Dans un contexte d’évolution des pratiques, de professionnalisation au management, de déploiement de nouveaux outils, la formation constitue-t-elle la réponse adaptée ?

On entend de plus en plus souvent qu’il serait trompeur de penser que la formation serait la réponse unique, la réponse miracle.

De quoi parle-t-on ?

Former ses salariés à se servir d’un nouvel outil de travail, et penser, que seule la connaissance du fonctionnement de cet outil est suffisante pour une bonne intégration dans leur cadre de travail, est une erreur.

On passe alors à côté des bouleversements importants que peuvent provoquer, sur les pratiques, le process de travail, mais aussi sur la représentation de la fonction et de l’identité professionnelle de ces salariés, l’introduction d’un outil.

Si, on imagine que professionnaliser ses managers peut se réduire à la diffusion d’une boite à outils et à quelques techniques, on se restreint, là aussi, à une vision parcellaire de ce qui est en cause.

Alors oui, ce type de formation ne peut être une réponse unique et adéquate. Les résultats ne seront pas à la hauteur de l’investissement.

Comment sortir d’une vision réductrice de la formation pour que de vrais apprentissages se fassent et puissent se convertir en actions, pour que la formation soit une réponse pertinente ?

Former c’est déjà porter un changement. Il peut être relativement simple, comme l’apport d’une nouvelle technique, à plus complexe comme apprendre à manager. Mais dans les deux cas, de façon proportionnelle, il est nécessaire d’intégrer les aspects humains qui vont être impactés.

L’introduction d’un logiciel formation dans une équipe ne se réduit pas à une évolution positive des modes de circulation de l’information avec les clients internes, où à la possibilité offerte de disposer des parcours formation des salariés ou même de pouvoir sortir des statistiques et posséder des indicateurs, toutes choses qui sont porteuses de valeurs. Il est nécessaire aussi d’analyser en quoi le travail actuel de l’équipe subit des modifications et en quoi les personnes peuvent rencontrer des difficultés et se montrer résistantes voire stressées.

On sait que dans un premier temps l’outil complique beaucoup la tâche et qu’il faut avancer par essai/erreur, voire doubler sa gestion avec la méthode précédente. Par ailleurs, ce qui pouvait se faire le plus souvent par téléphone ou par mail, favorisant la relation et la visibilité des gestionnaires, arrive par le canal plus impersonnel des flux automatisés, prévus à ce propos dans le logiciel. Cette évolution rend plus administrative le travail et peut provoquer le sentiment chez le gestionnaire d’une perte de substance et de valeur professionnelle.

Dans le cadre d’une professionnalisation au management, sujet si difficile à circonscrire, plusieurs éléments doivent être pris en compte. Le contexte de l’entreprise, sa culture, sa stratégie, son organisation et son mode de fonctionnement. Si cette formation soutient le parti pris d’un changement de mode de management, repartir de l’existant pour en déduire les points à développer, sans oublier les impacts culturels et identitaires qui seront touchés, est un gage de meilleure réussite. Ce n’est pas parce que l’on fait partie de la ligne managériale, investie d’un rôle particulier dans l’organisation que l’on est adaptable à souhait et que l’on peut facilement adopter d’autres représentations de soi en tant que manager.

Manager, c’est en effet disposer d’un ensemble de repères et de méthodes qui en font ses fondamentaux, mais c’est aussi investir un rôle particulier, adopter la bonne posture suivant les situations, décider, motiver, évaluer, écouter, faciliter le travail, et gérer les conflits. C’est aussi, de plus en plus, se confronter à des contradictions, des injonctions paradoxales, et à de la complexité qu’il est nécessaire de traduire pour s’assurer de la réalisation d’une performance constante par son équipe.

Apprendre à manager requiert de mobiliser chez l’apprenant une pluralité de facettes qui vont de la connaissance des attendus de l’entreprise envers son rôle, des systèmes de management en vigueur, à des compétences, renouvelées en permanence, d’analyse et de diagnostic, accompagnées de capacités à résoudre des problèmes. Comme les managers ne sont pas des surhommes, équipés d’emblée de toutes ces qualités, il est nécessaire de leur offrir des lieux d’apprentissage au plus près de leurs situations concrètes, leur permettant de confronter leurs pratiques, leurs réussites comme leurs difficultés.

La formation au management est donc un combinatoire de formules diverses d’apport de connaissances et de méthodes, d’ateliers, et d’analyses de pratiques avec des pairs. Elle se joue aussi dans une alternance constante entre la mise en pratique et la possibilité d’une réflexivité guidée.

Les formations type ateliers ou analyses de pratiques commencent à se développer. De grandes entreprises ont pris conscience que leurs managers vivaient des situations très inconfortables, voire à risque, face à des contextes mouvants, des organisations complexes et devaient faire face à une charge de travail importante combinée à une accélération des temps de réponse. Elles leur proposent des espaces dédiées dans lesquels ils mettent en commun entre pairs leurs expériences et trouvent des réponses par capillarité. Ces espaces ont une vertu essentielle, celle de la confidentialité, qui permet aux managers de se sentir libre de poser sur la table leurs préoccupations ou leurs échecs sans risque d’être jugés.

Les managers interrogés sur ce type de formation (mise au travail de leur pratique) en reconnaissent les bienfaits dans la résolution de leurs problèmes et l’évolution qu’ils effectuent dans l’appréhension des situations de travail difficiles. Rompant avec une solitude pesante, ils retrouvent la possibilité de prendre du recul.

Ses espaces, autant vertueux sont-ils, fonctionnent malgré tout en circuit fermé, comme une extériorisation, à l’interne de l’entreprise, d’un apport de solution à l’intention des managers. En effet, offrir aux managers un espace ressources suppose qu’il est attendu du manager, une adaptation aux modes de fonctionnement de l’entreprise. C’est à lui de trouver les moyens de faire avec et mieux.

Pourtant sans trahir la confidentialité des situations individuelles exposées, il pourrait leur être demandé de contribuer à l’amélioration continue de l’entreprise en leur donnant la possibilité de rapporter ce qui, dans la récurrence des problèmes exposés et touchant aux fonctionnements, à la conduite du changement, ou à l’organisation, pourraient faire l’objet d’un traitement de l’entreprise.

La formation c’est aussi cela. Par les changements qu’elle produit, elle participe à une dynamique globale d’amélioration de l’entreprise.

Ainsi se positionnent les démarches d’évaluation des dispositifs de formation. Elles sont autant bénéfiques aux apprenants eux-mêmes qui analysent en quoi ils ont évolués dans leurs capacités à comprendre et agir, qu’à l’entreprise qui ne peut que prendre en compte les évolutions qu’elle a elle-même suscitées. A un degré plus micro, le N+1 d’un manager ayant suivi une formation au management, ne peut ignorer à son retour les acquis de celui-là. Il aura, par exemple, à changer son mode de relation, déléguer plus, donner plus de responsabilités. La formation d’un membre de la filière hiérarchique bouge les lignes sur toute la chaine. Ce n’est qu’à ce titre que la formation n’a de sens et peut être évaluée positivement.

La formation, quand elle est considérée comme un vrai partenaire de la performance de l’entreprise est un vecteur puissant de changement. Elle est multiple dans ses formes. Elle est d’autant plus puissante qu’elle est conçue comme faisant système.


Commentaires et recommandations sur Viadeo, Linkedn